▬ Pas cher , ils sont pas chers nos légumes ! Les meilleurs de la ville !

Elle avait hurlé cela avec un ton campagnard , sans doute pour donner de l’authenticité à ses produits. Les techniques de vente de sa mère ... Quand elle expliquait cela en lavant les tubercules , tout paraissait clair et infaillible et en la voyant là... Cela était d'un ridicule !

Assis au pied de l'étale à patates , le jeunot attrapa une , deux , trois pommes de terre tombés de l'étale et commença à jongler avec.

▬ Un , deux , trois , quatre... ! Une dansa en l'air , tellement haut qu'elle manqua de toucher un potentiel client. J'suis trop fort !

Encore une danse de la patate ... Sauf qu'elle ne redescendit pas.

▬ Hein ?! Curieux , il leva le nez. En haut , le visage mécontent de sa mère qui tenait la patate de couleur rougeâtre. S'lut m'man...

▬ ... Chirin. Il tendit l'oreille. Juste... ! Reste tranquille cinq minutes ... ! Désespéra la pauvre brebis. Tu fais fuir les clients ...! Va jouer plus loin , si tu t'ennuies ! Ses cloches sonnèrent.

▬ Vrai ?! La vieille brebis eut à peine le temps d'ouvrir la bouche que son fils avait déjà disparue. Elle souffla d'aise , légèrement apaisé par l'aura de sa progéniture. Qu'est-ce qu'il pouvait l'épuiser ... Mais il était bien la seule source lumineuse dans leur sombre chaumière. Un vrai soleil. C'est peut-être de cela que la ville aurait besoin. Elle retourna à ses affaires.

▬ Qu-... ?! La caisse ! Elle était ouverte ! Quelques pièces avaient disparus mais ils leurs restaient bien plus de la moitié. .... Chirin. Rit-t-elle doucement.

****

De son coté , le jeune bélier gambadait aisément dans l'allée aux commerces. Ce n'était pas la première fois qu'il y venait , il était ici depuis son enfance ! Mais à chaque fois , l'ambiance de la foule et les commerçants criants le rendait euphorique. On n'y entendait même plus ses cloches tellement les leurs étaient fortes. Exposant librement ses quelques pièces , bien à la vue des potentiels voleurs. Inconscience. Il s’arrêta au niveau d'une étale où des petites armes étaient exposés. Des dagues , des glaives un peu émoussée certes mais très beau et une belle vitre en verre au dessus pour les protéger des mains indiscrètes. Les siennes furent tout aussi baladeuses , son sabot tapa timidement sur la paroi.

▬ Whouaaaw... ! Elle est beaucoup mieux qu'la mienne ! Maman m'a menti !

La journée était agréable. Un peu comme hier, un soleil radieux, un vent léger, le temps parfait pour une pause. Quoi de mieux qu'un peu de repos après une matinée de travail.

Derrière son étalage, un jeune commerçant s’était assis à l'envers sur une chaise, d'un air nonchalant. Sa tête posée sur ses bras s'appuyant donc sur le dossier, il observait d'un air calme les gens qui marchaient devant sa boutique. Il décrivait du regard quelques gamins, un couple de vieilles personnes, ainsi que leurs achats, quelques friandises sucrées, salées, ou encore des beaux légumes et des beaux fruits. Ce défilé de personnes inconnues continuait comme le flot d'une rivière, ne cessant jamais de couler.

Stanislas ne pensait à rien de particulier. Il laissait son museau accueillir le doux parfums des fleurs de l'échoppe d'en face. Il se prélassait ainsi, sous le regard des passants, ou presque, puisque la plupart ne faisait attention qu'à la petite vitrine flambant neuve. Ses armes attiraient quelques bambins insouciants, dont les yeux semblaient se couvrir d'un voile d'admiration.

" Hey Gamin, prend ça ! "

Le jeune Diable de Tasmanie leva les yeux et aperçu le commerçant voisin. Il se leva en soupirant pour récupérer de vieilles babioles en métal. Celles-ci, trainant dans le commerce de son voisinn, ne se vendait généralement pas. Stanislas les récupérait donc pour les recycler- c'est l'idée de son père-, en les faisant fondre et en leur donnant une seconde vie. Les clients n'y voient que du feu. Quand c'est liquide de toute façon, il n'y a aucune différence en ce qui va devenir une arme ou une casserole.

" Fait moi l'Excalibur avec ça ! " S'exclamait le monsieur d'une grosse voix grave, tout en lui remettant le paquet d'objets.
" Je crois que ça ne suffira pas " Répondit Stanislas, d'un air désintéressé. L'Excalibur ? Il préfèrerait créer une nouvelle épée légendaire que de recréer une vieille entité démodée. De toute façon, une épée, ça se fabrique pas avec une boucle d'oreille. Un seul sac de plaques d'armures, ça ne suffit pas.

Lâchant la marchandise dans un coin de son bazar, il se remit sur sa chaise, pour recommencer à rêvasser. Alors qu'il s'endormait presque, une nouvelle voix le sortit de sa tranquillité.

"Whouaaaw... ! Elle est beaucoup mieux qu'la mienne ! Maman m'a menti !"

Ouvrant les yeux, il aperçut le moutonneux, dont la laine blanc cassé lui rappelait quelqu'un. Sans se lever néanmoins, il bredouilla quelques paroles.

" Fait gaffe, tu vas salir la vitrine "

Dong.
Dong.
Fit la vitre sous les petits coups répétés de Chirin. Celui-ci lâcha un petit rire amusé jusqu'à qu'il soit prit sur le fait.

▬ Fait gaffe, tu vas salir la vitrine. Il s’arrêta , droit comme un piquet.
▬ Ok ! Le laineux plaça ses mains derrière son dos , comme prise de menottes. Seulement , son air enfantin détruisait totalement son air de faux prisonnier. Il se balançait de devant à l'arrière devant le présentoir , lorgnant avidement sur les armes.

▬ C'est vous qui avait fait TOUUUT ça ? Demanda-t-il en levant enfin le regard. Le commerçant était presque aussi jeune que lui. Une fourrure sombre , une espèce qui lui était inconnu. Un mélange entre un félin et une sorte de canidé. Son regard attrapa autre chose. Hey ! Il est chouette ton couvre-chef ! Son ton se fit plus familier après avoir analysé son age. Tu l'as eu où ?

Il examina sa propre tete à l'aide de ses sabots avant.

▬ ... Quoique ... Avec mes cornes , ça ne serait pas raisonnable. Il sourit à pleine dent. J'aurais dû être une fille ! Il termina en ricanant et tenta une ouverture avec le jeune forgeron. Y'en a des plus grand ?

" Ok ! " Avait-il répondu du tac au tac.
D'abord silencieux, Stanislas scrutait la silhouette du mouton. De sa place, il voyait des grosses cornes, de la grosse laine ... Une attitude enjouée et presque moqueuse. Pourtant, il n'avait pas l'air si jeune que ça. Genre ... Le même âge que lui peut être ?

" C'est vous qui avait fait TOUUUT ça ? Demandait le bélier. Stanislas, d'un air perplexe, se leva et s'approcha lui aussi de sa vitrine.
"Oui, j'ai tout fabriqué." Stan qui fait la causette, on aura tout vu. C'est juste qu'il n'arrivait pas à mettre un nom sur cette personne, alors qu'il était sûr de l'avoir déjà rencontré quelque part. Ça l'agaçait presque.

"Hey ! Il est chouette ton couvre-chef ! Tu l'as eu où ?"
Surpris par ce changement de sujet, il posa vivement une main sur sa tête, pour finalement soupirer, en retrouvant la douceur du tissu de son bonnet.
" C'est ma mère qui me l'avait cousu...." Avait répondu le jeune adulte, le son de sa voix baissant considérablement en repensant à sa mère, mais aussi en remarquant que son camarade ne l'écoutait pas.

"... Quoique ... Avec mes cornes , ça ne serait pas raisonnable. J'aurais dû être une fille ! Y'en a des plus grand ?"
" Hey ! Soit fière d'être un homme! " S'exclama Stan', tapant du point sur sa propre vitrine.
" Calme toi Stanislas, tu vas FAIRE FUIR TES CLIENTS héhéhé " Ria le voisin d'établis.
Frustré, le Diable de Tasmanie fit un instant la moue avant de soupirer une nouvelle fois un bon coup. Son voisin de commerce, il l'aurait bien fait manger la pelouse s'il n'était pas déjà occupé.

Chirin avait sursauté. Avant d'observer l'apprenti vendeur avec une moue interrogative et le corps totalement prostré en position de défense. La même position qu'un enfant qui attendrait les coups de sa mère.

▬ O-ouais , il a raison. Approuva le bélier qui retrouvait son calme. Ta maman serait pas contente ! Il le pointa d'un doigt accusateur. L'un des clients eut un petit ricanement , chose qui parvint rapidement aux oreilles de l'herbivore.

▬ Y'a rien d'drôle ! Défendit le jeune en pointant le client cette fois. Le moqueur se contenta d'hausser les sourcils comme si il le défiait du regard. Un vieillard plutôt aigri , une bourrique.

▬ HA ! L’âne s'éloigna. Un habitué des fruits et légumes. Qui radotait souvent sur les temps anciens où la ville était plus prospère. Chirin l'avait longtemps écouté avant de trouver des occupations beaucoup plus enrichissantes à son avis.

▬ J'suis content d’être un gars ! Affirma-t-il , en se centrant enfin , TOTALEMENT sur son premier interlocuteur. C'est à dire le Diable de Tasmanie. Les filles aiment pas s'battre mais moi j'adore ! Tilt. D'ailleurs , j'aurais p'tete besoin d'une nouvelle dague pour cela ! Il s'empressa de sortir la sienne. Elle n'était pas rouillée et semblait encore pourvoir servir. Cependant , la lame , elle , avait bien souffert. Aussi bien que son bord était dentelé de façon irrégulière.

▬ Elle a fait son temps mais elle était utile... Rire cristallin. J'devrais p'tete en prendre une plus grande... T'en dis quoi ? Nouvelle invitation à cancaner.

Vérifiant qu'il n'ai pas trop sali ou abimé la vitre qui protégeait ses confections, il haussa légèrement les épaules lorsque le mouton à cornes rajouta:
"O-ouais , il a raison.Ta maman serait pas contente !"
Le jeune forgeron croisa les bras et eu un air exaspéré lorsqu'il entendit le ricanement d'une vieille personne.

"Y'a rien d'drôle !"Avait encore dit le laineux. Il y avait bien de la conviction dans ses paroles, sauf qu'il avait un air tellement enfantin que les autres ne semblaient pas prendre au sérieux.

"HA !" Grinchait l'âne qui avait ricané un peu plus tôt. Stan' le regarda s'éloigner, content que ce vieillard n'ai pas rajouté autre chose, ce qui aurait vite fait envenimé la conversation.

"J'suis content d’être un gars ! Les filles aiment pas s'battre mais moi j'adore ! D'ailleurs , j'aurais p'tete besoin d'une nouvelle dague pour cela ! " Finit par reprendre le jeune client. Dépliant ses bras, le forgeron se concentra de nouveau sur lui, observant ce qu'il sortait de sa poche. Il retira ses gants, d'un air intéressé, pour prendre la dague qu'on lui montrait.

Elle a fait son temps mais elle était utile... J'devrais p'tete en prendre une plus grande... T'en dis quoi ? Riait avec bon coeur le jeune mouton. Concentré, Stanislas inspectait la lame ondulée, non par esthétique mais par manque de savoir-faire. Elle semblait vraiment avoir servi durant des années, et, passant son doigt dessus, il reconnut un instant la fine signature grattée maladroitement et devenue presque invisible sur la lame. C'était la sienne, un petit S comme Stanislas, ainsi qu'un L comme Lindgren. Il avait aucun doute là-dessus, il venait d'identifier une de ses premières dagues. Il se mit alors à rire de la ridicule lame qu'il avait fabriqué il y a 6 ans, et puis, il était vraiment surpris de retrouver cette chose qui avait l'impression d'avoir traversé des siècles entiers.

" Dit moi, qui te l'a donnée ? " Demanda alors Stan', réfléchissant à comment cette personne aurait pu obtenir cet objet. Puis, il finit par se souvenir qu'il avait, il y a bien longtemps de cela, donné une dague à un jeune garçon avec qui il s'était amusé. Mais son nom avait du mal à refaire surface.

" Excuse moi, mais ... Tu t'appelles comment ? " Est-ce possible qu'il soit justement ce gamin ?

L'expert observa avec minutie tous les cotés de sa dague fétiche. Si il n'était pas forgeron , il aurait pu être un bon médecin. Selon Chirin.

▬ Dit moi, qui te l'a donnée ?
Le bélier remonta le nez vers le haut , baissant les oreilles vers le bas. Il remonta sa lèvre inférieure dans une moue exagérément réfléchit.

▬ Un ami.
Il s'applaudit intérieurement à son heureux souvenir. Mais... L'expression grave que portait le Diable de Tasmanie l'alarma. Cette dague était vraiment spéciale ? Ouh ! Il avait anarqué son meilleur ami de l'époque sans le savoir... ! Cette dague valait de l'or !

▬ Euh , ça va ? Stanislas réagit , enfin.

▬ Excuse moi, mais ... Tu t'appelles comment ?

▬ Euh.. Chirin ? Sourit-t-il maladroitement. Comme les cloches ! En guise de salutation , il lui tendit son sabot pour une poignée de main qui se voulait viril. Chirin aimait le contact. Chaque nouvelle personne qu'il voyait devait répondre à une accolade plus ou moins intime.

▬ Et toi ?